Youri Gagarine

Youri Alexeïevitch Gagarine (en russe : Юрий Алексеевич Гагарин) (né le 9 mars 1934 et mort le 27 mars 1968) est le premier homme à avoir effectué un vol dans l'espace au cours de la mission Vostok 1 le 12 avril 1961, dans le cadre du programme spatial soviétique. Youri Gagarine devient une célébrité internationale et est récompensé par de nombreuses distinctions dont celle d'Héros de l'Union soviétique et la médaille de l'Ordre de Lénine, les plus hautes distinctions soviétiques. La mission Vostock 1 est son seul voyage spatial, mais il fut aussi doublure de secours pour la mission Soyouz 1. Il meurt à 34 ans après le crash de son Mig 15. Son nom a été donné à un cratère lunaire et à un astéroïde

Enfance et formation

Youri Gagarine nait en 1934 à Klouchino, près de Gjatsk dans la région de Smolensk dans le nord ouest de la Russie[N 1]. Les parents de Youri travaillent dans une ferme collective. Son père, Alexeï Ivanovitch Gagarine (1902–1973), est charpentier ; sa mère, Anna Timofeïevna Matveïeva (1903–1984), qui occupe l'emploi de laitière, a grandi à Saint-Petersbourg, capitale culturelle du pays, essaie de communiquer son goût de la lecture à ses quatre enfants. La vie est rude dans ce village dépourvu d'électricité et d'eau courante.

En 1941 la guerre avec l'Allemagne éclate. Youri qui est le troisième des enfants Gagarine a alors sept ans. Le village est occupé par les troupes allemandes avant que la famille n'ait eu le temps de s'enfuir. La brutalité des occupants nazis ne connait pas de bornes. Le cadet de Youri, Boris, subit un début de pendaison avant d'être relâché à moitié mort suite aux supplications de sa mère[N 2]. La famille est expulsée de son logement par les soldats allemands et doit se creuser un abri primitif dans lequel elle est obligée de vivre. En 1943 Valentin et Zoya, ses frère et soeur ainés, sont emmenés dans un camp de travail en Pologne ; là-bas ils parviennent à survivre, puis à s'échapper avant de rejoindre les troupes soviétiques. Les parents n'apprendront qu'ils sont toujours en vie qu'à la fin de la guerre. Malgré les risques encourus, Youri comme les autres enfants du village se livrent à de petits sabotages sur la machine de guerre allemande. Youri est témoin d'un événement qui le marque et va jouer un rôle important dans son destin. Un chasseur soviétique, endommagé, se pose au sol près du village. Peu après un avion de secours vient récupérer le pilote. Les enfants du village attirés par le spectacle se pressent sur les lieux. Youri est fasciné par l'avion et les pilotes dont l'un prend le temps de lui montrer comment fonctionnent les commandes dans le cockpit[1].

Au printemps 1944, avec l'avancée des troupes soviétiques, le village est libéré de l'occupant allemand ; mais les habitations ont été détruites, le bétail exterminé ou emporté. La famille Gagarine décide de s'installer à Gjatsk, bien que cette agglomération soit dans le même état de destruction que Klouchino, et se construit une habitation. Youri qui n'a plus fréquenté l'école depuis le début de la guerre reprend les cours. C'est à l'époque un enfant turbulent qui entre de plus en plus fréquemment en conflit avec son père. Celui-ci ne supporte pas la contradiction et veut que ses enfants apprennent son métier. Youri, de son côté, veut échapper à la vie pesante du village et en 1949 annonce à ses parents qu'il ne souhaite pas devenir charpentier et qu'il les quitte pour suivre des études dans un autre domaine. Son père tente de le faire revenir sur sa décision puis le laisse partir en lui demandant de ne pas ternir le nom des Gagarine. Youri déménage à Moscou où vit un oncle susceptible de l'aider à trouver une place dans un collège. Il veut devenir gymnaste mais il ne trouve pas de place et entre finalement dans une école d'apprentissage d'une fonderie à Lioubertsy dans la banlieue de Moscou. Malgré le handicap de sa petite taille il se distingue et est sélectionné pour entrer à l'institut technico-industriel de Saratov dans le sud-est de la Russie. Cette école forme des techniciens dans le domaine du machinisme agricole et il suit les cours durant quatre années. Il a l'opportunité à l'époque de suivre une formation de gymnaste mais, réaliste, préfère opter pour une formation lui garantissant une carrière[2].

A Saratov, il adhère dès qu'il le peut au club de pilotage amateur de la ville car il n'a pas oublié sa fascination d'enfance. Dès son premier vol à bord d'un Yak-18, il décide qu'il sera aviateur. Par la suite il mène de front ses études à l'institut de Saratov et une formation pratique et théorique de pilote. En octobre 1955, il décide de franchir le pas : il abandonne ses études à l'Institut, au désespoir de son père qui lui reproche de gaspiller l'argent de l'État, et rentre comme cadet dans une école de pilotage militaire. Son instructeur est impressionné par ses capacités et le recommande pour l'école militaire de pilotage K. E. Vorochilov d'Orenbourg. Dans cette ville, au cours d'un bal d'étudiant, il rencontre une infirmière Valentina Goriatcheva. Il l'épouse un an plus tard en octobre 1957, avant d'obtenir son diplôme de pilote de chasse sur MiG-15. Il est alors affecté dans une escadrille de chasseurs-intercepteurs à la base aérienne de Luostari située dans la région de Petchenga dans l'oblast de Mourmansk près de la frontière norvégienne

Sélection et entraînement

En juin 1959 le processus de sélection des premiers cosmonautes du programme spatial soviétique est lancé. Les responsables ont décidé de rechercher leurs candidats parmi les jeunes pilotes de l'Armée de l'Air (entre 20 et 25 ans) car ils sont déjà, par leur métier, accoutumés à subir des accélérations importantes, sauter en parachute, etc... Contrairement aux Américains, qui ont sélectionné des pilotes seniors, les responsables soviétiques ont décidé de choisir des pilotes relativement novices en grande partie parce que les vaisseaux spatiaux doivent être entièrement automatisés confinant les cosmonautes à un rôle d'observateur. Compte tenu de l'espace restreint disponible dans la future capsule spatiale les recrues ne doivent pas mesurer plus de 1,7 à 1,75 mètres. Après une première sélection sur dossier portant sur des critères physiques et une série d'interviews visant à cerner leur personnalité, 200 pilotes sont sélectionnés dont Youri Gagarine[4]. Celui-ci franchit également la deuxième étape de la sélection qui réduit en février 1960 le nombre d'élus à 20. Il y eu 5 dérogations à la règle de l'âge parmi les 20 sélectionnés dont Vladimir Komarov. À l'époque de sa sélection Gagarine est un pilote junior avec 250 heures de vol sur MiG-15[5].

Un médecin de l'armée de l'air ayant participé à sa sélection évalue sa personnalité: « Modeste; embarrassé lorsque son humour lui fait tenir des propos un peu trop osés; haut degré de développement intellectuel évident; mémoire fantastique; se distingue de ses collègues par sa perception aiguë de l'environnement y compris à longue distance ; dispose d'une imagination très développée; réactions rapides; persévérant; se prépare de manière assidue à ses activités et exercices d'entrainement, parvient à maitriser avec facilité la mécanique céleste et les formules mathématiques et excelle dans les mathématiques supérieures; n'hésite pas à défendre son opinion s'il pense avoir raison; comprend mieux la vie que beaucoup de ses amis[6]. ». Gagarine est également le candidat favoris de ses pairs. Quand on demande aux 20 candidats de voter anonymement pour quel autre candidat ils aimeraient voir voler le premier, tous sauf trois votent pour Gagarine[7]. Un de ses pairs, le futur cosmonaute Ievgueni Khrounov, se rappellera par la suite que Gagarine avait une extraordinaire capacité de concentration et pouvait , si nécessaire, être très exigeant vis à vis de lui même et des autres. Il s'agissait là d'une caractéristique de sa personnalité beaucoup plus importante que celle révélée par son fameux sourire[8].

Comme les installations pour l'entrainement des pilotes ont à cette époque une capacité limitée, il est décidé le 30 mai de préparer en priorité un groupe de six pilotes (TsPK-1). Ceux-ci sont choisis sur des critères physiques (taille et condition physique). Les futurs cosmonautes ne doivent pas être trop grands pour tenir dans la capsule du vaisseau spatial Vostok . Gagarine, qui mesure 1 mètre 58, fait partie des sélectionnés. Il suit comme les autres apprentis cosmonautes un entrainement physique, effectue des sauts en parachute, s'entraine sur un simulateur de la capsule Vostok, passe en centrifugeuse et reçoit une formation de base sur le fonctionnement des fusées et des vaisseaux spatiaux. En janvier 1961 le groupe passe devant une commission présidée par le général Nicolaï Kamanine qui occupera pour la décennie suivante le poste de commandant du corps des cosmonautes. À l'issue des examens trois pilotes sont sélectionnés : Gagarine, Guerman Titov et Grigori Nelioubov. Déjà à ce stade Gagarine est donné par tous ceux qui le côtoient comme favori et est remarqué par Sergueï Korolev le responsable du programme spatial habité soviétique. Il est doué en mathématiques, attentif à son entourage, persévérant, a une mémoire hors du commun, intellectuellement mûr. Son origine sociale modeste ne fait que conforter toutes ces qualités. Titov est plus cultivé et beaucoup plus expansif que Gagarine mais a un caractère rebelle. Le troisième sélectionné Grigori Nelioubov est sans doute le plus doué sur le plan technique mais est considéré comme trop rebelle par les sélectionneurs les plus conservateurs. Il ne volera jamais et après avoir été licencié à la suite d'un problème d'alcool, il se suicidera en 1966[9]. Le choix final se fera entre Gagarine et Guerman Titov. Le responsable de l'Union soviétique Nikita Khrouchtchev, à qui on demande sa préférence, les met sur un pied d'égalité et ce sera finalement la commission de Kamanine qui tranchera en faveur de Gagarine

 

Vol Vostok 1

Le matin du 12 avril 1961, le chef de l’aéronautique soviétique Sergueï Korolev vient embrasser Gagarine et plaisante avec lui avant son décollage. Suivant une superstition des pilotes soviétique, Gagarine ne s'est pas rasé[11]. A la fin du compte à rebours, Gagarine annonce « Et c’est parti ! »[11] et décolle du cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan à 9 h 7 (heure de Moscou, 6 h 7 GMT) dans la capsule Vostok 1 poussé par une fusée Soyouz. Deux minutes plus tard, il annonce : « Je vois la Terre… C’est magnifique ! »[11] puis effectue une révolution d'1 heure et 48 minutes autour de la Terre, à une moyenne de 250 kilomètres d'altitude (apogée : 327 km et périgée : 180 km). Gagarine devient le premier homme à voyager dans l'espace et le premier homme à effectuer une orbite autour de la Terre. Son signe d'appel durant le vol est « Кедр », désignant le pin de Sibérie[12]. Le début de la rentrée atmosphérique ne se passe pas bien car le module de service ne parvient pas à se séparer du module de rentrée comme prévu et Gagarine est secoué dans tous les sens. Finalement la séparation intervient lorsque la pression aérodynamique s'accentue 10 minutes après son déclenchement. À quelques kilomètres du sol, en application d'une procédure commune à tous les vaisseaux Vostok, Gagarine s'éjecte de sa capsule et effectue le reste de sa descente en parachute. Il se pose vers 10 h 55 (heure de Moscou, 7 h 55 GMT) près de Saratov (ville sur la Volga à environ 700 km au sud-est de Moscou)[13]. Pour ne pas diminuer l'exploit, les autorités soviétiques prétendent à l'époque que Gagarine est revenu au sol dans la capsule. Le déroulement réel sera connu à la fin des années 1990 avec la libéralisation du régime russe. Après le vol, certaines sources déclarent que Gagarine pendant son vol spatial a fait le commentaire: « Je ne vois aucun Dieu là-haut ». Cependant aucune parole semblable n'apparait dans les enregistrements des conversations de Gagarine avec les stations terrestres pendant le vol

Célébration sous le sceau du secret

Le vol a eu un retentissement énorme en URSS comme dans le monde. L'Union soviétique avait généralement à l'étranger une image de pays arriéré : celle-ci est complètement effacée par la réussite du programme spatial soviétique. Gagarine entame à la suite de son vol une tournée autour du monde durant laquelle sa présence est utilisée à des fins politiques. Les dirigeants soviétiques imposent à Gagarine de révéler le moins de détail possible sur le programme spatial. Lorsqu'il est interrogé par les journalistes étrangers ses réponses sont souvent évasives[N 3] : on ne saura rien à l'époque de l'emplacement réel de sa base de lancement qui est toutefois connue par les services secrets américains grâce à leur station radar en Turquie. Les Soviétiques indiquent un lieu près de la ville de Baïkonour qui est en fait à 360 km de la base de lancement. Le nom du responsable du programme spatial soviétique, Sergueï Korolev, reste également secret. Celui-ci n'apparait pas dans les commémorations ; on laisse croire qu'Anatoli A. Blagonravov est le père de l'astronautique soviétique : ce vénérable membre de l'Académie des sciences soviétique de 66 ans, dont les liens avec le programme spatial sont très ténus, est chargé de fournir les détails techniques sur les vols spatiaux réalisés au cours des différents congrès internationaux qui suivent Vostok 1. Pour récompenser ceux qui ont participé à cet exploit, sept mille personnes reçoivent le titre de Héros de l'Union soviétique mais seuls ceux qui font partie des instances dirigeantes (dont le premier secrétaire Khrouchtchev) sont officiellement nommés. Les cinq véritables responsables du programme sont récompensés mais restent dans l'ombre

 

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